Ce qui pourrait être autrement: désobéissance

anarchie, désobbéissance, règles

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Je suis terrorisé par le fait que l’on puisse accepter des règles, des mesures, des lois ou des décisions qui n’ont pas de sens.

Les règles doivent avoir une rationalité et cette rationalité doit être explicite, transparente, claire. Lorsque ce n’est pas le cas, il est impératif de désobéir, la désobéissance est un devoir moral et politique. Respecter des règles insensées est dangereux, c’est le point de départ de la dictature.

Je ne dis pas que tout le monde doit toujours connaître la raison de toutes les règles: on fait souvent confiance aux autres, c’est le principe même de la “bonne autorité” (j’en reparlerai un jour). Mais lorsqu’on demande une explication, celle-ci doit être possible.

J’en ai parlé dans une de mes Navigations. Je ne résiste pas à la tentation de me citer:

1er août 2012, aéroport Charles de Gaulle, Paris. Personne au contrôle de sécurité. Un ruban oblige à parcourir tout un tas de zigzags. Je le décroche pour passer en évitant le serpentin. L’agent de sécurité : « Que faites vous ? » « Je passe, il n’y a pas de queue » « C’est interdit » « Pourquoi ? » « Parce que vous ne pouvez pas, vous devez suivre le serpentin » « Je veux bien, mais pourriez vous m’expliquer pourquoi ? » « Raisons de sécurité ». Je n’obéis pas. Le pouvoir se base sur la possibilité d’obliger les gens à respecter des ordres sans besoin de les expliquer. C’est justement le fait qu’on obéisse même et surtout à des ordres sans aucun sens – et sans aucune importance – qui garantit le pouvoir. Éteignez votre portable, suivez le serpentin, jetez les bouteilles d’eau, enlevez vos chaussures, sortez votre ordinateur, faites une pirouette, ne dites pas « stop » mais « alt », portez une chemise noire, fusillez tous les gens qui ont un k dans leur prénom. Désobéir est un devoir. ici

Plus la règle est insignifiante, plus il est grave de la respecter.

Depuis un an, une panoplie de règles nouvelles et variées s’impose - et nous semblons heureux de les respecter et de veiller à ce que les autres les respectent!

Un exemple: si on arrive aujourd’hui au Canada en avion, on doit rester 3 nuits à l’hôtel. Pourquoi? Quelle est la différence avec une quarantaine à la maison (qui reste obligatoire après ce séjour)? Chez nous, on croise moins de monde, on a beaucoup moins de chance de contaminer quelqu’un d’autre. Si l’hôtel était sur une île - Ellis Island? - et que tou.te.s celles et ceux qui y travaillent y restaient confiné.e.s, cela serait certes dictatorial mais peut-être pourrait-on y trouver une certaine rationalité. Ici il n’y en a pas, de rationalité.

Un autre exemple? Le couvre-feu à 20h00 l’hiver dans une ville comme Montréal où tout est fermé et où il est déjà interdit d’aller rendre visite à quelqu’un. Qui vise-t-on? Les écureuils qui font des partys la nuit (la suggestion est de Benoît Bordeleau dans un tweet)? Les itinérant.e.s - à qui cette mesure a beaucoup nuit par ailleurs?

Mais les expert.e.s ont dit… argument d’autorité. Pourquoi dois-je faire ça? Parce que.

Cela me rappelle le bon Don Abbondio - vous autres francophones ne le connaissaient sans doute pas: le prêtre des Promessi sposi à qui on interdit de célébrer un mariage - en le menaçant. Le pauvre, qui “non era nato con un cuor di leone”, annule donc le mariage mais ne sait que répondre au futur marié qui lui demande des explications:

“Sapete voi quanti siano gl’impedimenti dirimenti?”

“Che vuol ch’io sappia d’impedimenti?”

“Error, conditio, votum, cognatio, crimen,

Cultus disparitas, vis, ordo, ligamen, honestas,

Si sis affinis,…”

cominciava don Abbondio, contando sulla punta delle dita.

“Si piglia gioco di me?” interruppe il giovine. “Che vuol ch’io faccia del suo latinorum?

“Dunque, se non sapete le cose, abbiate pazienza, e rimettetevi a chi le sa.”

En voici la traduction:

— Savez-vous combien il y a d’empêchements dirimants?

— Que voulez-vous que je sache, moi, d’empêchements?

— Error, conditio, votum, cognatio, crimen, cultus disparitas, vis, ordo, ligamen, honestas, si sis affinis… » commençait à dire Don Abbondio, en comptant sur ses doigts.

« Vous jouez-vous de moi? » interrompit le jeune homme. « Que voulez-vous que je fasse de votre latinorum? »

— Eh bien donc, si vous ne savez pas les choses, ayez patience, et rapportez-vous-en à celui qui les sait.

Source

Encore le latin - ou comme l’appelle Renzo, le latinorum. Langue incompréhensible, donc langue du pouvoir. Langue d’une autorité violente qui cherche à ne pas devoir se justifier. La langue des expert.e.s. “Ayez patience”, ne pensez pas, surtout pas! Laissez qu’on décide pour vous.

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