In Platonis Phaedrum Scholia: 231c9-231d5

νοσέω, σωφρονέω, ἀποτρέπω

Lire les autres billets de la série

Φαῖδρος
καίτοι πῶς εἰκός ἐστι τοιοῦτον πρᾶγμα προέσθαι τοιαύτην ἔχοντι συμφοράν, ἣν οὐδ᾽ ἂν ἐπιχειρήσειεν οὐδεὶς ἔμπειρος ὢν ἀποτρέπειν; καὶ γὰρ αὐτοὶ ὁμολογοῦσι νοσεῖν μᾶλλον ἢ σωφρονεῖν, καὶ εἰδέναι ὅτι κακῶς φρονοῦσιν, ἀλλ᾽ οὐ δύνασθαι αὑτῶν κρατεῖν: ὥστε πῶς ἂν εὖ φρονήσαντες ταῦτα καλῶς ἔχειν ἡγήσαιντο περὶ ὧν οὕτω διακείμενοι βουλεύονται;

Phèdre
Et aussi comment peut être raisonnable d'accorder un tel faveur à quelqu'un qui a un tel malheur que même un expert ne peut tenter de l'en libérer? Car eux-mêmes ils disent qu'ils sont malades plus qu'ils ne sont raisonnables et ils savent qu'ils raisonnent mal, mais ils ne peuvent pas se contrôler: et donc comment, en raisonnant bien pourraient-ils considérer justes les choses qu'ils ont voulu lorsqu'ils étaient dans cet état?

Platon, Phèdre, 231c9-231d5

Et voilà que la définition d’amour émerge encore plus clairement: l’amour est une maladie. C’est quelque chose d’étranger qui prend sa place à l’intérieur, comme un virus, ou un bactérie qui devient l’acteur principal, le responsable des actions et des gestes en enlevant toute capacité d’action et de pensée à celui qui tombe malade. Une maladie qu’on ne peut pas arracher (ἀποτρέπω) du corps. Une maladie qui rend incapables de penser. Ils sont malades (νοσέω) plus qu’il ne raisonnent (σωφρονέω).

Et les amoureux eux-mêmes sont prêts à l’admettre qu’ils sont malades, ils sentent qu’ils ne sont plus maitres d’eux-mêmes (οὐ δύνασθαι αὑτῶν κρατεῖν), que ce ne sont pas eux qui décident, ce ne sont pas eux qui agissent. C’est la maladie.

Le point central est là: qui est le maître, qui est l’acteur, qui est le responsable des actions, qui est le producteur des décisions, qui est, donc, le producteur de la pensée? Ce n’est pas celui qui aime, mais c’est l’amour.

On revient donc à la question de savoir qui produit la pensée. Ce qui ne fonctionne pas dans le discours de Lysias n’est pas tellement le fait qu’il ne défini pas l’amour ou qu’il donne une mauvaise interprétation de la condition amoureuse; car cette interprétation est plutôt juste - Socrate finalement en donnera une définition semblable. C’est plutôt la définition de l’état non amoureux qui pose problème. Là où Lysias a tout faux c’est de croire que, lorsqu’on n’est pas amoureux, on est maître de soi et on est donc producteur de pensée. Celui qui aime n’est pas le producteur de sa pensée: c’est vrai. Mais celui qui n’aime pas, lui non plus ne peut pas être producteur de sa pensée. Il y aura toujours d’autres facteurs, d’autres forces en jeu, d’autres conjonctures qui détermineront les comportement et les actions de celui qui n’aime pas. Il sera affecté par d’autres maladies, par d’autres corps étranges qui orienteront ses décisions et qui produiront sa pensée. Que cela soit les intérêts économiques ou un désir sexuel modéré et pas particulièrement passionné, mais il y aura toujours une maladie qui sera au fondement de la pensée. Le σωφρονεῖν est toujours une forme de νοσεῖν, la pensée est toujours un virus.

νοσέω, σωφρονέω, ἀποτρέπω scholia