Ce qui pourrait être autrement: passeport sanitaire

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L’horreur - disait le colonel Kurtz dans Apocalypse Now. L’horreur. C’est le seul mot qui me vient à l’esprit - avec un fond de nausée - en lisant que l’Europe adopte le passeport sanitaire. J’ai du mal à y croire. Et j’ai du mal à exposer les raisons de ma stupéfaction tant elles me semblent évidentes.

Je découvre cependant avec étonnement que très peu de gens partagent mon sentiment, et comme il est urgent de réagir à ces dérives, je vais essayer d’argumenter.

Préambule: le passeport sanitaire n’a rien à voir avec la vaccination. Le vaccin est très important et il est nécessaire de faire en sorte que le plus grand nombre soit vacciné au plus vite. En tant qu’anarchiste, je suis contraire à toute mesure coercitive, mais, à la limite, l’obligation de se faire vacciner serait mille fois préférable au passeport sanitaire. Ce sont dans tous les cas deux mesures bien différentes. L’horreur du passeport sanitaire dépasse toutes les lois liberticides adoptées récemment.

Trois points pour étayer mon propos.

En premier lieu: le passeport sanitaire fait dépendre les droits d’un être humain de son état physique. Il crée donc de fait des êtres humains de série A et des êtres humains de série B. Dans ce sens, un vaccin obligatoire serait moins monstrueux, car il respecterait l’idée fondamentale de l’égalité (théorique, on le sait) entre les individus. La dernière fois que l’Europe a adopté des lois de ce type, il s’agissait de lois raciales. Ce n’est pas une comparaison excessive ou provocatrice, mais une correspondance précise: il s’agit de lois qui ne différencient pas les êtres humains sur la base de leurs actions mais de leur état, de leur être. Ici ce n’est pas moi qui atteins le point Godwin, c’est le législateur. L’argument selon lequel est mise en place une mesure d’urgence pour faire face à une situation exceptionnelle ne tient pas: si c’était vraiment exceptionnel, on pourrait renoncer à voyager pendant quelques mois. L’idée derrière le passeport est de naturaliser ce type de processus. Il me semble évident qu’admettre - ne serait-ce que théoriquement - la possibilité du passeport sanitaire ouvre la porte à tous types de dérive: on accordera des permissions différentes à chacun en fonction de son état de santé, de son poids, de ses allergies, des commorbidités avérées ou potentielles, des antécédents familiaux… Avec assez peu d’imagination, on pourrait même créer une application (esprit startup) qui, sur la base de l’analyse de nos conditions sanitaires, nous proposerait des destinations touristiques adaptées - laissons-lui même le soin de nous acheter les billets directement, ce sera plus intuitif.

En deuxième lieu: le passeport sanitaire augmente notre tolérance au contrôle, qui atteint ainsi son niveau le plus haut depuis au moins 70 ans. Nous acceptons qu’il nous soit demandé des informations sur notre état physique au moment de prendre un transport public. Nous acceptons que ces informations soient fournies à n’importe quelle autorité qui souhaiterait les obtenir. Comment pouvons-nous être à l’aise avec ce type de procédé? Accepter de partager nos données de santé en dehors de la sphère médicale, c’est accepter l’absence de limite.

En troisième lieu: tout cela sera géré encore une fois par deux entreprises, Apple et Google. Car peu importe où seront stockées les données et de quelle manière - sûrement très réfléchie - sera pensée la politique de confidentialité, tout passera concrètement par des applications mobiles qui tourneront exclusivement sur Apple ou sur Google. Et comme toujours, une fois que quelque chose est installé sur ces systèmes, il n’y a strictement aucun moyen de savoir ce que les deux compagnies font ou feront des données - car de fait elles y auront accès. Mais voyons les côtés positifs. Apple et Google pourront encore plus précisément anticiper nos déplacements, alerter la police qu’un vieux malade essaye d’aller à la piscine et préparer d’inoubliables vacances pour les riches, propres, jeunes, sains et vaccinés à qui il sera servi un cocktail de bienvenue adapté parfaitement à chacun de leurs goûts et de leurs besoins.

J’oubliais: je n’ai pas de téléphone! Mais la Chine a d’ores et déjà trouvé une solution: le QRcode autour du cou, bien visible, facile à scanner. Tout ira bien. Dommage que nos politicien.ne.s n’aient jamais été très bon.ne.s en histoire, elles et ils auraient pu en tirer profit pour trouver une solution encore plus efficace et intuitive: le QRcode, on pourrait se le faire tatouer.

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