Transcan16 - j. 2
Je suis saisi par un sentiment contradictoire. D'une part ce voyage semble court, je ne me sens pas dépaysé, je n'ai pas l'impression d'avoir conduit pendant 24h et d'avoir fait 2000 kilomètres. De l'autre part, j'ai l'impression d'être en voyage depuis toujours, d'avoir été surpris par mille nouveautés - et d'être loin.
Je suis assis devant un McDonald's, dans le parking du Comfort Inn de Dryden, sur la route où roulent beaucoup de camions et beaucoup de pickups - il n'y a pas d'autres types de véhicules, on dirait. Et je voudrais faire un petit point sur la journée passée. Mais ça me semble impossible.
Partis ce matin de Kapuskasing - j'ai finalement appris à prononcer ce nom - nous nous sommes vite arrêtés à Hearst. Marie-Christine nous avait dit qu'il fallait s'arrêter à la librairie Le Nord, une de rares librairies franco-ontariennes - il paraît qu'il n'en reste plus qu'une à Ottawa et une à Toronto car celle de Sudbury ferme dans quelques jours. On l'a fait, heureusement. Et le voyage, pour moi, a complètement changé. La libraire nous a conseillé une série de livres franco-ontariens.
Nous sommes repartis et nous avons traversé l'espace enchanté qui sépare Hearst de Thunder Bay. 400 kilomètres de conifères - oui, Jean-Simon avait raison - où il n'y avait pas grand chose à faire à part regarder le bois et lire. Nous sommes alors rentrés dans les histoires des habitants de la région - grâce aux livres de témoignages publiés par les éditions Cantinales - et dans les récits d'auteurs comme Doric Germain et Patrice Desbiens.
Des mondes que je ne connaissais pas et qui nous ont accompagnés en rajoutant de l'imaginaire à notre traversée.
À Thunder Bay, nous n'avons pas raté le monument dédié à Terry Fox, avec sa magnifique vue sur le lac Supérieur.
"Sur le bord du lac Nipissing pas loin de Lavigne la vie vibre comme un hors-bord" dit Patrice Desbiens. Et on aurait eu envie de s'arrêter...
En continuant la route vers Dryden, nos lectures ont continué, sans connexion internet, avec deux orignaux et un arrêt pour excès de vitesse - mais la policière a eu pitié et nous a laissé partir.
On se prépare à laisser l'Ontario demain matin et à retrouver à Winnipeg la maison de Gabrielle Roy.
Je me dis qu'il me faudra beaucoup de temps pour réfléchir, à la fin du voyage. Pour l'instant j'ai envie de rester à l'écoute - et aussi d'aller dormir, peut-être en rêvant de tchensâ, vu que cet outil est pas mal le protagoniste du roman Défenses légitimes de Doric Germain. Beaucoup de choses à raconter à Benoît Melançon - mais aussi à Pierre Menard qui a un homonyme dans ce même roman. Beaucoup de liens et de coïncidences inattendues... Toute est dans toute, finalement.