Transcan16 - j. 11

François Bon, Gérard Wormser, Thierry Crouzet, Transcanadienne

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Nous sommes désormais à la fin du voyage; demain on devrait rentrer à Montréal. Nous avons fait environ 7000 kilomètres et nous pouvons commencer à nous interroger sur le rapport entre nos attentes et ce qui s'est passé.

Une chose me semble fondamentale: un projet a d'autant plus de sens qu'il est décalé par rapport à ce qu'on aurait pu en dire avant de le réaliser. Je dirais que l'éditorialisation est réussie quand elle implique une perte de contrôle par rapport à celui ou ceux qui l'ont initiée. L'éditorialisation est une forme de ce qu'on appelle "designing for loss of control". Il faut mettre en place un dispositif duquel ensuite on ne soit plus le maître. L'éditorialisation va au delà de ses concepteurs et devient autonome car elle commence à impliquer d'autres idées, d'autres personnes, d'autres volontés. Seulement quand elle commence à donner lieu à quelque chose qui n'était pas attendu, elle devient une vraie éditorialisation. Le processus est pris en main par d'autres. C'est ce que j'ai toujours admiré du travail de Gérard Wormser par rapport à la revue Sens public: mettre en place un espace qui permette l'appropriation externe, un endroit où il se passe des choses qui ne sont plus sous le contrôle de celui qui en a eu initialement l'idée.

C'est ce qui est arrivé pour Sens public - qui seulement pour cette raison peut permettre un sens vraiment "public" -, c'est ce que j'apprécie du travail de François Bon, qui déclenche des activités avec Remue.net puis avec publie.net et ensuite qui se retire de ces activités pour les laisser vivre toutes seules. Le moment de l'émancipation est celui qui démontre que l'expérience est réussie. Thierry Crouzet parle de "propulseurs" dans le même sens.

La question qu'il faut se poser est donc: en quelle mesure ce projet a-t-il donné lieu à une perte de contrôle? En quelle mesure permet-il une appropriation externe, ingérable par ceux qui ont lancé l'idée?

Si quelqu'un continuait le voyage après nous, si quelqu'un en faisait quelque chose d'autre, si le hashtag continuait à vivre, détourné, défiguré, réinterprété, c'est seulement alors qu'on pourrait dire que le projet est une réussite.

On croise les doigts...

 

François Bon, Gérard Wormser, Thierry Crouzet, Transcanadienne Numérique