In Platonis Phaedrum Scholia: 272b8-c6
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Σωκράτης
ἀληθῆ λέγεις. τούτου τοι ἕνεκα χρὴ πάντας τοὺς λόγους ἄνω καὶ κάτω μεταστρέφοντα ἐπισκοπεῖν εἴ τίς πῃ ῥᾴων καὶ βραχυτέρα φαίνεται ἐπ᾽ αὐτὴν ὁδός, ἵνα μὴ μάτην πολλὴν ἀπίῃ καὶ τραχεῖαν, ἐξὸν ὀλίγην τε καὶ λείαν. ἀλλ᾽ εἴ τινά πῃ βοήθειαν ἔχεις ἐπακηκοὼς Λυσίου ἤ τινος ἄλλου, πειρῶ λέγειν ἀναμιμνῃσκόμενος.
Φαῖδρος
ἕνεκα μὲν πείρας ἔχοιμ᾽ ἄν, ἀλλ᾽ οὔτι νῦν γ᾽ οὕτως ἔχω.
Socrate
Tu dis la vérité. Et pour cette raison, il faut, en mettant dessus dessous tous les discours, analyser s'il y a un autre chemin plus facile et plus rapide pour atteindre cet art, pour ne pas prendre un chemin long et difficile alors qu'il y en a un court et facile. Mais si tu as entendu quelque suggestion de Lysias ou de quelqu'un d'autre, essaie de la dire en t'en rappelant.
Phèdre
Si j'essayais, je l'aurais peut-être, mais maintenant je n'ai rien de ce type.
Platon, Phèdre, 272b8-272c6
La discussion semblait finie. On aurait dit que le sujet avait été épuisé: Socrate a déjà fait une critique de la rhétorique, il a ensuite essayé de dire ce que les sophistes eux-mêmes disent et les as contredit. Il a finalement demandé à Phèdre s’il restait autre chose à dire et la réponse a été non.
Pourtant ce n’est pas fini. On dirait que cette lutte contre la vision de la rhétorique qu’ont les sophistes est une question qui énerve trop Socrate pour qu’il puisse arrêter d’en parler. Il semble vouloir être sûr du fait qu’aucun contre-argument ne pourra être utilisé pour douter de sa critique. Il faut donc épuiser complètement les possibles idées des sophistes.
La question ici est celle de la rapidité et de la facilité (βραχύς, court et ῥᾴδιος, facile). Socrate a montré que la rhétorique doit se baser sur la connaissance de la vérité. Le doute est que ce “doit” puisse en réalité être un “peut”. Oui, pourrait-on penser, connaître la vérité ça peut avoir une utilité, mais, peut-être les sophistes ont autre chose à offrir: un raccourci, une manière pour faire plus vite, un chemin qui demande moins d’efforts.
Rappelons-nous du contexte: il s’agit d’apprendre à parler dans les tribunaux et de vendre ses services; il faut être capable de parler de plein de sujets différents… est-ce possible de connaître la vérité sur tout? Il faut être performant, car le temps c’est de l’argent: il faut pouvoir parler à tous les procès. On retrouve vraiment les valeurs de notre société contemporaine: être productifs, ne pas perdre du temps. Peut-on trouver une ruse qui permette de passer par un chemin plus court? C’est cela que vendent les sophistes avec leur enseignement.
Pour Socrate, cela n’est pas possible: il n’y a pas de raccourci pour la vérité. La vérité empêche d’être productif, la vérité demande la perte de temps, les chemins longs et difficiles, tordus, compliqués. La vérité demande la σχολή.
Socrate demande à Phèdre s’il se rappelle de ces enseignements apparemment miraculeux des sophistes, qui permettent de gagner du temps et comme d’habitude, Phèdre ne sait, ou ne veut, pas répondre: peut-être ne veut-il pas être complice avec Socrate de la destruction de ses amis et de ses maîtres.