In Platonis Phaedrum Scholia: 258d5-9
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Σωκράτης
τίς οὖν ὁ τρόπος τοῦ καλῶς τε καὶ μὴ γράφειν; δεόμεθά τι, ὦ Φαῖδρε, Λυσίαν τε περὶ τούτων ἐξετάσαι καὶ ἄλλον ὅστις πώποτέ τι γέγραφεν ἢ γράψει, εἴτε πολιτικὸν σύγγραμμα εἴτε ἰδιωτικόν, ἐν μέτρῳ ὡς ποιητὴς ἢ ἄνευ μέτρου ὡς ἰδιώτης;
Socrate
Quelle est la manière d'écrire bien ou pas bien? Devons-nous, cher Phèdre, le demander à Lysias et aux autres à qui il arrive d'écrire ou qui vont écrire un discours politique, ou privé, en mètre comme les poètes ou sans mètre comme un écrivain?
Platon, Phèdre, 258d5-258d9
Voici donc ce sur quoi il faut s’interroger: la nature de l’écrire bien ou mal. C’est le nouveau objet d’analyse proposé par Socrate. Cela va donc être l’objet d’un nouveau discours.
Suit la question rhétorique de Socrate, qui fait écho aux longues discussions en ouverture du dialogue: faut-il dédier notre temps à discuter? Bien sûr! Cela est ce qu’il y a de plus agréable.
Il faut interroger ceux qui écrivent. Pour le dire Socrate commence à faire une sorte de typologie des discours écrits. Il y a donc les discours politiques (πολιτικός) qui ont donc un intérêt public ou les discours privés (ἰδιωτικός) qui concernent la vie privée des citoyens en non l’intérêt public. Ces derniers ne concernent donc pas les lois. Ensuite on fait une seconde distinction: les discours en poésie, écrits par des poètes, et les discours sans mètre, en prose, écrits par des non poètes. Dans ce cas, pour une sorte de symetrie stylistique, Platon utilise à nouveau le terme ἰδιώτης pour l’opposer à ποιητής. Le ποιητής en effet écrit dans un mètre spécifique, tandis que celui qui écrit en prose est générique, commu, ἰδιώτης.
Ce sens d’ἰδιώτης et de ἰδιωτικός peut nous faire réfléchir au rapport entre privé et public dans la sensibilité grecque: il y a d’un côté quelque chose qui est générique, commun, ordinaire, normal, non spécifique, non spécialisé: c’est le privé, mais c’est aussi ce qui caractérise quelqu’un ou quelque chose qui n’est pas spécialisé et donc un écrivain normal par rapport à un poète. De l’autre côté il y a tout ce qui est spécifique, spécialisé, non générique: l’intérêt public se trouve de ce côté.
Ce qui est public est donc moins générique que ce qui est privé, ce qui pourrait sembler une contradiction pour notre sensibilité moderne. L’intérêt public est précis, universel mais non générique, non commun. Il est intéressant que la généricité non spécialisée du mot ἰδιώτης implique une signification dérivée: ignorant, inculte. C’est de là que vient le mot français “idiote”.
L’intérêt privé est idiote, donc.