Littérature numérique et pérennisation

Accident de personne, archive numérique, BnF, dépôt légal du web, desordre.net, Guillaume Vissac, Ina, Internet Archive, liminaire.fr, littérature numérique, oeuvre, pérennisation, pérennité, Pierre Ménard, publie.net, Twitter

Une question qui donne beaucoup à réfléchir aujourd'hui : comment les contenus littéraires numériques vont-ils rester demain ? Comment vont-ils être vus et lus ? Je pense qu'il y a actuellement deux réponses possibles à cette question.

1. On peut imaginer que le flux d'écriture qui se fait dans l'espace numérique se cristallise et donne origine à des formes finies et destinées à rester (ou du moins, facilement pérennisables). C'est le cas, par exemple, de l’œuvre "Accident de personne" de Guillaume Vissac. L'écriture naît sur Twitter, l’œuvre originaire est un compte Twitter. Une série de tweets, donc, qui sont lus au fur et à mesure qu'ils sont écrits. Vissac ferme le compte à la fin de son expérience (ou mieux, il arrête de l'utiliser en le laissant visible). Ensuite il publie un ouvrage "Accident de personne" chez Publie.net. La forme epub ou pdf ou papier est stable et va pouvoir rester - en principe elle pourra être lue dans cent ou deux-cents ans. En plus, un dépôt légal se charge d'assurer la pérennité. Mais ce modèle présuppose une migration et un transfert de l'écriture originale qui doit s'adapter à une forme différente (Vissac fait un véritable travail de réécriture pour produire le texte "publié". Ce modèle présuppose donc de considérer l'écriture originairement numérique comme préparatoire à l’œuvre finale qui correspondrait plus au modèle papier.

2. Une autre possibilité est celle de l'archive numérique (dépôt légal du web tel qu'il est pratiqué par la BnF ou par l'Ina, ou archivage comme dans le cas d'Internet Archive). Cela permettrait de revoir dans dix ou vingt ans, par exemple, le site desordre.net tel qu'il est aujourd'hui. Le problème est que les formes d'écriture numérique sont essentiellement caractérisées par le fait d'être animées, en vie, en changement. Elles vivent et produisent leur sens grâce à leur mouvement, grâce au fait qu'il s'agit d'un "écrire" et non pas d'un "écrit". Si on perd l'aspect "temps réel" de ces œuvres (si l'on peut les définir ainsi) on perd beaucoup de leur sens. La preuve dans nos pratiques : on n'a pas envie de lire un post d'un blog qui n'est plus actif. Si le dernier post date d'il y a deux ans, on a l'impression de lire quelque chose d’inintéressant (on peut bien lire un post d'il y a dix ans, à condition que dans le même blog il y ait une activité aujourd'hui qui légitime, pour ainsi dire, les posts plus anciens).

Voilà donc ma question : est-ce que la pérennisation des œuvres numériques implique forcement une dénaturation ? Est-ce que, pour rester, l’œuvre numérique doit forcement changer sa forme ? Ou alors on produira d'autres dispositifs de pérennisation ? Que deviendront nos pratiques de lecture dans quelques années ? Ira-t-on un jour sur Internet Archive pour lire liminaire.fr comme aujourd'hui on lit le Rouge et le noir ? Et est-ce que cette lecture impliquera aussi la lecture des tweets de Pierre Ménard et de son réseau ?

 

 

Accident de personne, archive numérique, BnF, dépôt légal du web, desordre.net, Guillaume Vissac, Ina, Internet Archive, liminaire.fr, littérature numérique, oeuvre, pérennisation, pérennité, Pierre Ménard, publie.net, Twitter Atelier, Littérature numérique, Non classé, Numérique