La semaine de l'open access - une réponse à Olivier Ertzscheid
Après la lecture jouissive du billet d'Olivier Ertzscheid sur la semaine de l'Open access (je dois avouer que la lecture de ses textes est très souvent jouissive), je me suis mis à essayer de lui répondre par Twitter... Mais je me suis aperçu qu'il me faut plus que 140 caractères.
Olivier critique l'appel de Jussieu non pas sur le fond, mais sur le fait d'être un appel. Pour résumer le coup de gueule d'Olivier: il est inutile de lancer des appels, il est nécessaire d'agir. En effet, cela fait au moins 15 ans qu'on lance des appels. On a les infrastructures pour mettre en place l'accès libre, on ne le fait pas, selon Olivier, seulement pour préserver les privilèges des éditeurs comme Elsevier.
Ok, je suis d'accord sur tout. Je suis d'accord aussi sur le fait que mettre en place des mandats de dépôt obligatoire est nécessaire. Et je peux en dire davantage: je fais partie d'un comité qui œuvre pour le mettre en place à l'Université de Montréal. On travaille depuis 2 ans. Et ce n'est pas simple. Pourquoi? Parce que le problème ne vient pas que d'Elsevier: il vient des chercheurs. Il n'est pas vrai - au moins ici au Québec - que tout le monde est d'accord sur l'accès libre. Ici on peut dire qu'en effet, comme le dit Olivier, une grande majorité s'en bat les couilles, mais aussi qu'un bon nombre de chercheurs résistent. Pourquoi? J'en sais rien... cela me semble complètement irrationnel. J'essaie de résumer les raisons:
1. Parce qu'ils ne veulent pas avoir à déposer un fichier dans le dépôt institutionnel (c'est du travail)
2. Parce qu'ils pensent qu'Elsevier et les autres font un bon travail (je ne sais pas sur quelle base)
3. Parce qu'ils ont peur d'avoir des problèmes au moment de la publication de leurs travaux (si l'éditeur sait qu'il y a un mandat, il pourrait poser des problèmes)
4. Parce qu'ils pensent que ça coûte de l'argent (le service légal de l'Université qui gère les droits d'auteurs).
Et puis il y a le fait de se mettre d'accord sur les détails... Quand doit-on déposer? Quelle version? En quel format? Est-ce qu'il y a un opt-out? Cela semble bête... mais il devient impossible d'avancer.
Une autre chose me fait penser que le mandat obligatoire n'est pas suffisant: il me semble que l'accès libre devrait venir des chercheurs, non de leurs institutions. Il me semble que ça devrait être une manifestation spontanée de notre liberté - et de notre volonté de liberté. Par ailleurs les statistiques de Harvard montrent que le mandat obligatoire n'est pas la meilleure manière pour augmenter le nombre de travaux déposés dans le dépôt institutionnel: le mandat le plus efficace est celui qui laisse une possibilité d'opt out et qui se base donc sur le choix du chercheur.
Donc pour résumer je dirais:
1. Qu'Olivier a raison: il faut un mandat de dépôt obligatoire PARTOUT (peut-être, par contre, avec opt-out)
2. Qu'il faut encore faire du travail de sensibilisation: et donc oui à l'appel de Jussieu
3. Qu'en tant que chercheurs nous avons le devoir moral de ne pas publier une ligne qui ne soit pas en accès libre. En ce qui me concerne c'est une loi - même pour les monographies (je sais qu'Olivier fait la même chose)
4. J'adopte la résolution d'Olivier... :
Par ailleurs et pour autant qu'elle vous intéresse, voilà ma résolution pour cette semaine de l'Open Access : à compter de ce jour et chaque fois que j'entendrai un collègue se plaindre (à raison) de la baisse du budget, du manque de moyen et autres gémissements de nature pécuniaire concernant les conditions d'exercice de son métier, je lui demanderai poliment si l'ensemble de ses publications scientifiques sont déposées en accès ouvert. S'il me répond que non, je lui demanderai alors tout aussi poliment mais fermement de fermer sa bouche.