Détournement et création des profils - notes du séminaire 21 janvier 2016

détournement, Ecritures numériques et éditorialisation, séminaire, Victoria Welby

Première intervention - Victoria Welby

Premier type de profil : minimaliste = l'exemple du jeu Agar - le joueur est une cellule. but = devenir la plus grosse cellule du jeu...  Plus la cellule est grosse, plus elle est lente : possibilité de se dédoubler, de perdre de la masse et d'en donner à ses "amis". Possibilité d'agir sur les Virus, de manger les autres...

Surtout, possibilité de se créer un profil dans Agar, pour donner un nom à sa cellule. Que peut-on apprendre de la personne à partir de son profil ? Certains profils laissent filtrer beaucoup d'informations : pas de maîtrise de l'orthographe, pas la même langue, des revendications politiques, des affinités avec d'autres joueurs (friendof***, ou au contraire Fuck***)

Le profil dans Agar est toujours en construction.

Second type de profil : le site de rencontre,  un les profils sont créés avec souvent beaucoup de catégories à remplir que sur Agar, par exemple. Nécessité de mettre des images. Dans certains sites de rencontre, des questionnaires donnent des profils psy. Sur les sites de rencontre, finalement, les profils sont très peu originaux.

Sur un site de rencontre, nécessité de créer des profils atypiques pour se démarquer. OkCupid utilisé pour faire des études de comportements.

Troisième type de profil = les profils involontaires - ceux que l'on fait en lançant par exemple une recherche sur Google.

 

Le cas du profil Victoria Welby :

Du point de vue créatif, un profil est une possibilité d'extension du personnage. Un terrain de jeu. Pas toujours nécessaire d'avoir de grandes compétences techniques, même si la maîtrise des enjeux liés par exemple à la création de nos profils involontaires sur Google est essentielle.

Quelques difficultés :

1)Problème de la censure : certaines plateformes sont réticentes à la littérature (notamment érotiques).

2)Sur un site de rencontre, les gens ne sont pas là pour une expérience littéraire - problème éthique.

3) Certains espaces plus difficiles à investir par la fiction et la littérature (un profil bancaire, par exemple...). Sur AirBNB aussi, faire un profil est très difficile.

Trouver des façons de faire des profils intéressants au niveau littéraire: développer des fictions en s'adaptant à la plateforme (par exemple, développer un projet adapté au format bien spécifique de Twitter).

Profil et identité = aspect psychologique essentiel pour développer des liens avec le lecteur.

Profil vs page = la page, tout le monde peut s'y abonner (pas obligé de devenir ami).

Enjeu de Facebook = nous sommes identifiés par des images...

Idée du profil LinkedIn de Victoria = réfléchir aux contraintes du travail. Problème de LinkedIn = pas d'archives. Beaucoup de choses perdues, aspect très éphémère.

Profils "morts" ou "suicidés", par exemple sur My Space, où Victoria se plaignait de son auteur. Mais la forme d'intéraction propre à Myspace était trop difficile à faire durer dans le temps.

Beaucoup de profils éteints = matériaux de construction pour Victoria Welby. Les profils appartiennent à l'auteur, mais lui échappent aussi. Aspect important = construction externe du profil : les lecteurs s'approprient le texte et en font tout autre chose sur le web.

Utilisation d'un "Je" pluriel = très difficile de distinguer Vitcoria Welby de son auteur...

Une autre personne pourrait être Victoria Welby, afin d'enrichir ce personnage.

Autre avatar partagé avec au moins deux personnes : Pharaon Parka - avatar tiraillé.

 

Seconde intervention - Lionel Maurel

Autre angle d'approche = non pas le détournement en soi des profils, mais les usages créatifs qui détournent des oeuvres existantes pour en créer de nouvelles = pratiques transformatives (parodies, mash up).

Trois thématiques / tensions :

1) Paradoxe entre une très large diffusion et son aspect illégal

Selon Hadopi, 1/3 des productions de clip sur youtube sont des pratiques transformations.

Le phénomène des fanfictions = 800 000 suites de Harry Potter !

Selon Jenkins, ces créations par les fans sont la matière noire de la culture - qui commence à affluer dans la culture mainstream (Fifty Shades of Grey par exemple)

Pratiques très répandues mais en fait illégales du point de vue du droit d'auteur.

En droit français, le "droit moral" protège la forme que l'auteur donne à son oeuvre. Quelques exceptions pour la parodie - exception de citation pour les textes littéraires.

Au US, le fair use autorise un peu plus ces pratiques.

Au Canada, une exception "mash up" qui autorise ces pratiques à condition qu'elles soient non commerciales.

Dans les fait, les poursuites sont extrêmement rares, mais d'un point de vue symbolique, tous les créateurs de ces contenus sont rejetés du côté de l'illégalité (violence symbolique de la loi). Sur certaines plateformes, risque de voir tout son contenu effacé.

Parmi les créateurs de fanfiction, il y a une véritable recherche du respect de l'oeuvre originale = ne pas commercialiser sa récriture. De façon étonnante, les récritures porno ne sont pas du tout considérées comme des formes d'irrespect à l'égard de l'oeuvre (alors que c'est l'une des pires choses pour le droit moral français).

2) Second paradoxe = aspect individuel vs collectif

Historiquement, ces pratiques transformatives sont nées dans les fandom, donc l'aspect collectif est primordial. Un auteur cherche des "reviews". Recrutement de bêta lecteurs pour améliorer son style. Création de communautés d'apprentissage extrêmement intéressantes.

En même temps, aspect intime très fort = les auteurs essaient d'injecter des aspects qu'ils ne trouvent pas dans la production commerciale basique. Par exemple, l'un des questionnement les plus injectés = question de genre et de sexualité.

Anonymat recherché par ces créateurs. Sur 4Chan, tout le monde est anonyme. Effacement de l'individu et, du coup, effacement de l'auteur.

Résurgence de l'individualisme par les mèmes, notamment les plus célèbres (certains finissent par déposer des copyrights).

Les plateformes mettent en place des algorithmes pour ne pas avoir à gérer ces pratiques, mais ils sont très décriés.

3) Troisième paradoxe = aspect amateur vs monétisation de plus en plus forte

Les plateformes cherchent à monétiser leur contenu, ce qui pose des problèmes. Les youtubeurs, par exemple, se "professionnalisent" (aspect positif), mais sont souvent accusés de trahir la communauté, de déroger aux principes de bases des pratiques transformatives.

Proposition : nécessité de créer des plateformes alternatives pour favoriser ces pratiques transformations si particulières. Fanfiction.net le fait assez bien, en ne proposant des  fanfictions inspirées d'oeuvres dont les auteurs ont donné leur accord.

 

 

Débats de fin de séance :

Quel est le lien entre détournement et fiction ?

VW = ce n'est pas tant du détournement qu'un moyen d"habiter" Victoria Welby.

Louise Merzeau : est-ce vraiment possible de créer un profil fictif ? Le profil est de moins en moins quelque chose que la personne peut créer elle-même, mais c'est le résultat de pratiques - pratiques de dépôt de traces (navigations, etc.). Est-ce que l'on peut avoir une cohérence entre les profils ?

VW = pour se créer un profil, il faut simplement se lancer. Kate Bornstein = jeu de projection dans la construction de l'identité. Victoria Welby n'appartient pas à son auteur, mais aux lecteurs.

LM = Aller voir le web doc Citizen Fan pour comprendre le "profil" de ces créateurs de pratiques transformatives.

Franck Cormerais : question de l'avatar ? Soi-même comme un autre... comme personne.

Détournement = résistance ou obéissance à l'assignation de la plateforme ?

LM = le droit sur les oeuvres pousse à la passivité du lecteur par rapport à l'oeuvre. Assignation à une place de passivité, aujourd'hui intenable avec les outils numériques qui poussent à la production et l'appropriation. Attention : la communauté (dans un fandom par ex), est elle aussi productrice d'une forme d'assignation très forte.

VW : Victoria est un terrain de jeu. Aspect de résistance très présent avec certaines plateformes qui censurent (Kijiji, Facebook). La pornographie est un facteur de censure très important. Les réseaux sociaux sont facteurs de contraintes avec lesquels on peut finalement jouer de façon très oulipienne.

Question légale : pour la législation de 2012 au Canada, consulter les travaux de Michael Geist.

Louise Merzeau : quid de la dimension des archives ?

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