Désir de profilage et profilage du désir - séminaire éditorialisation

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Note de la séance du 12 mai du séminaire Éditorialisation.

Argumentaire de la séance:

L’importance croissante des usagers dans les processus de catégorisation et de classification des données numériques (indexation, recommandation, évaluation) qui fonde en grande partie la valeur ajoutée (et le fonds de commerce) du web dit collaboratif ou social n’atteste pas simplement d’une volonté d’optimiser l’accessibilité à ces mêmes données : elle constitue en effet une porte ouverte sur les désirs et les intentions des individus.
La pratique du tagging par les usagers (folkosomie) trace les contours de représentations du monde propres aux individus qui en sont les acteurs : elle permet rétroactivement de catégoriser non plus les données, mais l’usager lui-même, « segmenté en profils qui se rapportent tous à « lui-même », à ses propensions, ses désirs présumés » (Rouvroy, 2013)
Ce “désir de profilage” des usagers, cette libido sciendi qui portent sur l’identité des usagers s’inscrit dans une double visée à la fois prédicative et heuristique. Elle voudrait en effet non seulement anticiper, mais également dévoiler, découvrir les désirs inavoués, inconscients des usagers.
C’est cette libido sciendi qui alimente rétroactivement le profilage de leurs désirs à des fins mercantiles sous couvert d’une stratégie qui est celle du service rendu. Si bien que la volonté d’en savoir plus sur les individus s’appuie sur une volonté de se voir qui se concrétise par le biais de réseaux sociaux et d’applications qui captent davantage de données personnelles de manière de plus en plus volontaire notamment quand il s’agit d’exposer des données issues de la quantification de soi. Cette pénétration au sein de la sphère de l’intime se poursuit sur les territoires des corps et de la sexualité qui s’exprime par l’utilisation notamment des tags sur les sites de vidéos pornographiques librement consultables. Cette indexation des désirs s’avère également déformante dans la mesure où elle véhicule des représentations au point de populariser certaines expressions comme la MILF (Mother I’d Like to Fuck). Au final, il s’agit non seulement d’un accroissement des stratégies de l’indexation des existences, mais également des mécanismes d’influence des manières de voir et de se représenter le monde par les individus qui méritent d’être interrogés. Quelles sont en effet dès lors les institutions dominantes de ce biopouvoir ?

Intervenants: David Pucheu et Olivier LeDeuff

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David Pucheu

Qu'est-ce que le profilage? On pourrait dire que le profilage est un aspect du biopovoir décrit par Foucault. C'est donc l'idée d'une physique et d'une mathématique sociale.

Quételet formule l'idée selon laquelle une observation massive de la société permet de découvrir les lois qui la règlent (idée de l'homme moyen et des  plans du créateur qu'on voit émerger en observant l'homme moyen, qui rentre dans la courbe de Gauss).

La cybernétique est aussi basée sur un projet de physique sociale. La cybernétique est  liée à un changement de la physique: la physique ne s'attache plus à la régularité de ce qui s'est produit, mais à la prévision (ce qui va se produire).

Pentland affirme que grâce au bigdata on va être capable de réaliser cette physique sociale - prédictibilité absolue.

Les principes de ce profilage qui vise à la prédictibilité totale sont

1. le réel parle tout seul - pas besoin de théorie

2. pas besoin d'expliquer, on doit prédire

Quelles sont les raisons de ce désir de profilage?

Sécurité, protection, gestion...

(commentaire: selon moi c'est aussi et surtout ce que j'appelle l'angoisse de l'individuation, cf mon Égarements: on a besoin de savoir qui nous sommes et l'hétéronomie du profilage est la meilleure manière de le faire)

Le profilage permet la mise en place de stratégies de vente: on peut anticiper les comportements et les guider - ce que Maude Bonenfant décrivait dans la dernière séance du séminaire en parlant de prophétie autoréalisante.

Gouverner= encadrer les possibles (selon Foucault) -> c'est évidemment le but du big data et des politiques de prédiction.

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Olivier LeDeuff

Terme profil: il vient de l'italien (on peut renvoyer à l'article de Servanne Monjour).

On peut parler de pornosphère - en reprenant l'idée de Louise Merzeau d'hyperspĥère. Ce qui permet le développement des sociétés du porno est la possibilité d'exploiter le désir.

L'idée de trouver le tag parfait : accéder au résultat le plus pertinent.

Qui exploite les données ? Société Mindgeek, acteur incontournable du X.

C'est un marché très centralisé: une position presque monopolistique.

Le travail d'indexation se fait grâce à du digital labor : le travail des usagers.

Le discours sur la liberté est faux car il y a une forte normativité. Le hors-norme produit de la norme (commentaire: c'est vrai pour les site mainstream, mais il y a d'autres choses...)

On est dans le cadre d'une marchandisation des désirs.

 

 

 

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Dommage, peu de temps pour la discussion...

 

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