Ce qui pourrait être autrement: science et anarchie

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Sur la question du réductionnisme, je découvre un beau texte de Malatesta, publié dans Pensiero e volontà en 1925.

Malatesta critique le réductionnisme de Kropotkin, ou mieux, il critique l’idée selon laquelle l’anarchie serait basée sur le matérialisme ou le mécanisme. Malatesta affirme qu’être matérialiste ou vitaliste ne change rien à l’affaire: l’anarchisme se passe des systèmes philosophiques.

Il revendique sa propre ignorance et souligne l’inutilité des théories aux fins de l’action et de la conduite.

Si può essere anarchici qualunque sia il sistema filosofico che si preferisce. Vi sono anarchici materialisti come ve ne sono di spiritualisti, ve ne sono di monisti e di pluralisti, ve ne sono di agnostici e vi sono di quelli, come me, che senza nulla pregiudicare sui possibili sviluppi futuri dell’intelletto umano, preferiscono dichiararsi semplicemente ignoranti.

Certamente non si capisce come si può conciliare certe teorie con la pratica della vita.

La teoria meccanicista, al pari di quella teistica e panteistica, porterebbe logicamente all’indifferenza ed all’inazione, all’accettazione supina di tutto ciò che è, nel campo morale come in quello materiale.

Ma per fortuna le concezioni filosofiche hanno poca o nessuna influenza sulla condotta.

E i materialisti e meccanicisti, in barba alla logica, si sacrificano spesso per un ideale. Come del resto fanno i religiosi che credono nelle gioie eterne del paradiso, ma pensano a star bene in questo mondo e quando sono malati hanno paura di morire e chiamano il medico.

Così come la povera mamma che perde un figliolo: crede di essere sicura che il suo bimbo è diventato un angelo e l’aspetta in paradiso… ma intanto piange e si dispera.

Enrico Malatesta, Pensiero e volontà 1 luglio 1925

On peut être anarchiste quel que soit le système philosophique que l’on préfère. Il y a des anarchistes matérialistes comme il y a des spiritualistes, il y a des monistes et des pluralistes, il y a des agnostiques et il y a ceux qui, comme moi, sans préjuger des développements futurs possibles de l’intelligence humaine, préfèrent se déclarer simplement ignorants.

Certes, on ne comprend pas comment on peut concilier certaines théories avec la pratique de la vie.

La théorie mécaniste, comme le théisme et panthéisme, conduirait logiquement à l’indifférence et à l’inaction, à l’acceptation muette de tout ce qui est, dans le domaine moral comme dans le domaine matériel.

Mais heureusement, les conceptions philosophiques n’ont que peu ou pas d’influence sur la conduite.

Et les matérialistes et les mécanistes, au mépris de la logique, se sacrifient souvent pour un idéal. Tout comme les personnes religieuses qui croient aux joies éternelles du paradis, mais qui pensent à être bien dans ce monde et qui, lorsqu’elles sont malades, ont peur de mourir et appellent le médecin.

Comme la pauvre mère qui perd un enfant : elle pense qu’elle est sûre que son enfant est devenu un ange et qu’il l’attend au ciel… mais en attendant, elle pleure et se désespère

Malatesta exprime bien le paradoxe d’un mouvement politique qui a produit énormément de théorie et qui en même temps refuse le primat de celle-ci. Il est une espèce de Socrate, un philosophe ignorant. La théorie dénonce ses propres limites. La science et la raison sont des outils précieux, mais ils ne sont pas suffisants. Et surtout il ne faut pas les utiliser pour masquer l’objectif le plus important: celui de réaliser une société sans oppression, où chacun puisse s’épanouir librement.

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