Ce qui pourrait être autrement: plaisirs du jardin
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Hospes hic bene manebis, hic summum bonum voluptas est
Lucius Annaeus Seneca, Epistulae morales ad Lucilium, XXI
Cultiver son jardin demande des efforts, mais est aussi cause de plaisir, disais-je hier. Samuel Szoniecky rappelait - lors du séminaire arcanes - que le jardin était aussi le nom de l’école d’Épicure, le jardin où vivaient en communauté ses disciples à l’entrée duquel était inscrit: “Visiteur tu seras bien ici, ici le plus grand bien est le plaisir”.
S’occuper du jardin demande des efforts, mais ces efforts sont aussi un plaisir. Je continue à parler d’efforts et non de “travail” car je ne pense pas que le travail puisse émanciper, au contraire, le travail est juste une forme d’exploitation.
Dans le domaine numérique je dirais que, paradoxalement, travaillent celles et ceux qui utilisent des “solutions” qui leur demandent peu ou pas d’efforts. Utiliser une application “intuitive” d’Apple ou d’une autre GAFAM constitue en effet du digital labour. Notre activité est exploitée par ces sociétés pour produire de la valeur. Cela nous demande probablement peu d’efforts, mais concrètement il s’agit d’un travail qui implique par ailleurs une forte aliénation - nos données, nos pensées, nos désirs deviennent une marchandise.
Celles et ceux qui font l’effort de produire leurs environnements numériques - ou du moins de les configurer, de les cultiver - ne travaillent pas: c’est le plaisir épicurien de cultiver son jardin, il n’y a pas de production pour quelqu’un d’autre et donc il n’y a pas de travail.