Ce qui pourrait être autrement: low tech

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Low tech peut signifier plusieurs choses. L’idée générale est de choisir des solutions techniques minimalistes, légères et simples. Les enjeux sont à la fois économiques, écologiques, politiques… Ce qui m’intéresse plus particulièrement de l’approche low tech est la question de la sa compréhensibilité: le fonctionnement d’une solution technique simple peut être compris par tout le monde.

Notre société regorge de technologies d’une complexité si élevée qu’il est impossible non seulement pour les usagers moyens, mais aussi souvent pour les experts d’en comprendre le fonctionnement. Dans le domaine du développement d’applications, par exemple, il est presqu’impossible qu’un.e développeu.r.se maîtrise l’ensemble des composantes qu’il ou elle utilise.

Un exemple parlant m’a été signalé par Louis-Olivier Brassard lors de mon séminaire Littérature et culture numérique . Louis-Olivier a présenté pendant le séminaire le cas de l’application “Alerte Covid” (son analyse est disponible ici et le bug décrit ici), l’application de traçage des cas de Covid au Québec. Quelqu’un a signalé aux développeurs que l’application envoyait des requêtes à Google. Ce “bug” était dû au fait que l’application utilise un framework créé par Google (react)1 qui, par défaut, envoie des requêtes aux serveurs de l’entreprise. Pour faire court: le fait d’utiliser une bibliothèque complexifie le code et rend difficile de comprendre exactement ce que ce code fait.

Cela illustre une équation assez simple: plus de complexité implique moins de compréhension.

Le principe fondamental du low tech est d’utiliser la technologie la plus simple possible pour répondre à un besoin spécifique. Si une chose peut être faite en utilisant un couteau, il est inutile d’utiliser une scie électrique.

On peut aller un peu plus loin et même éviter de faire certaines choses qui demandent des technologies trop compliquées… car souvent nous faisons des choses juste parce qu’elles sont possibles… Est-ce que nous avons vraiment besoin de tous les outils de géolocalisation que nous avons? Sans cellulaire, je suis obligé de regarder la route avant de partir de la maison… est-ce vraiment si compliqué? Cela permet aussi de ne pas dépendre d’un téléphone pour savoir où on est.

Est-ce que nous avons besoin d’ordinateurs de plus en plus puissants pour finalement les utiliser pour écrire du texte - ce qu’on pourrait faire avec une machine des années 1970? Un ordinateur d’il y a dix ans, qui aurait suffit pour envoyer une fusée dans l’espace, semble inutilisable aujourd’hui pour écrire et naviguer sur internet… il y a peut-être un problème?

Le high tech est problématique parce qu’il pousse à l’obsolescence programmée, parce qu’il entretient une consommation sans borne et parce qu’il rend les “utilisateurs” complètement passifs et incompétents.

Je pense donc qu’il faut faire 3 efforts:

  1. Essayer de comprendre davantage. Il faut essayer d’étudier les outils que nous utilisons et d’être capables d’en comprendre au moins les principes de fonctionnement. Une augmentation de littératie est la condition de possibilité de la liberté
  2. Choisir toujours la technologie la plus simple pour le besoin en question
  3. Quand un besoin n’est pas satisfaisable avec une technologie simple que nous pouvons vraiment maîtriser complètement, se demander si ce besoin est vraiment un besoin et essayer de voir si on peut y renoncer.

  1. Un lecteur, @John_Tax, me fait remarquer que je me trompe ici: React est développé par Facebook (Google développe Angular). “Un détail, mais qui rajoute à la thèse : React (et React native) est une invention de Facebook et non de Google. L’envoie de données vient d’un sous-module.” Merci pour la précision! Louis-Olivier précise encore : “Précision sur la précision: c’est un développeur tiers qui fournit un module («library»). L’utilité du module? Vérifier si on est connecté à Internet ou non, en envoyant des pings à Google.” 

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