Ce qui pourrait être autrement: éloge du non fonctionnement
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Continuons sur l’inutilité, mais sous une autre forme. Une autre phrase que je déteste est: “ça fonctionne” ou “ça marche”. C’est l’argument dont on se sert pour affirmer l’inévitabilité des GAFAM. Ça fonctionne bien, ça marche bien… Zoom marche tellement bien, l’iPhone marche si bien, Word fonctionne…
Mais ça veut dire quoi, au juste, fonctionner? Fonctionner pour faire quoi? Comme s’il n’y avait qu’une chose à faire… Fonctionner… bah, ça dépend de ce que tu veux faire, en fait… mais si tu ne sais pas ce que tu veux faire, l’outil qui fonctionne est juste en train de décider ce que tu fais. On ne se pose pas la question de ce qu’on veut faire, juste la question si ce qu’on fera - peu importe de quoi il s’agisse - sera efficace ou pas. L’important c’est d’être efficace.
N’est-ce pas un peu problématique? Nous avons complètement renoncé à être, je ne dis pas les protagonistes, mais au moins partie prenante de nos actions. Sans vouloir trop poser la question éthique - il est facile de toucher le point Godwin ici - mais il y a moyen d’être très efficace pour faire des trucs pas tout à fait souhaitables, non?
Je souhaite que rien ne marche, que rien ne fonctionne, que tout soit cassé, qu’il y ait plein de bugs. Je voudrais des designers capables de concevoir des outils compliqués, contre-intuitifs et mal fonctionnant.
Le non fonctionnement est la condition de la pensée critique.