Ce qui pourrait être autrement: éloge de la curiosité

anarchie, curiosité, Thomas d'Aquin

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D’une autre façon encore il peut y avoir vice [dans la recherche de connaissance] en raison précisément du désordre dans le désir et l’application à apprendre la vérité. Et cela de quatre manières.

1° Lorsqu’une étude moins utile nous arrache à l’étude que la nécessité nous impose.[…]

2° Lorsqu’on cherche à être instruit par celui à qui il n’est pas permis de s’adresser: c’est le cas de ceux qui interrogent les démons sur l’avenir, ce qui est une curiosité superstitieuse. […]

3° Lorsque l’homme désire connaître la vérité concernant les créatures sans se référer à la vraie fin, c’est-à-dire à la connaissance de Dieu. […]

4° Lorsqu’on cherche à connaître la vérité en dépassant les possibilités de notre propre talent, car alors on tombe facilement dans l’erreur.

Thomas d’Aquin, Summa Theologiae IIae IIae 167

L’émancipation passe par la curiosité. Être curieux est ce qui permet d’apprendre, mais surtout de mettre en discussion l’autorité. C’est ce qui caractérise la curiosité par rapport à d’autres formes de recherche du savoir. Dans la Summa Theologiae, Thomas oppose la curiosité à la studiosité. Il est bien de chercher la connaissance, mais il faut la rechercher dans les chemins tracés par l’autorité.

Or les quatre défauts de la curiosité listés par Thomas sont à mon sens ses quatre plus grandes qualités.

  1. La curiosité ne hiérarchise pas. Tout est potentiellement intéressant, tout est digne d’étude et de recherche et - surtout - tout est potentiellement important. (N’est-ce pas ce que nous ont appris les cultural studies?).
  2. Tout le monde a des choses à enseigner. La curiosité rend capable d’écouter, sans limiter son intérêt à celles et ceux qui ont une autorité reconnue.
  3. Être curieu.x.se signifie ne pas soumettre l’envie de savoir à une fin. La fin est toujours une limite qui oriente trop l’apprentissage. La curiosité implique une recherche du savoir pour le savoir.
  4. Quand on est curieu.x.se, on ne sait pas s’il y a des limites. Partons de l’hypothèse qu’il y en a pas, on pourra toujours changer d’avis et s’arrêter quand on ne peut plus avancer.
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